Inner Ashes est une aventure narrative dans laquelle le joueur incarne Henry, un papa atteint de la maladie d’Alzheimer. Avant de rentrer dans le cœur de ce test, je tiens à préciser que le jeu m’a beaucoup touchée et que je l’ai trouvé particulièrement dur dans sa thématique. En effet, la maladie d’Alzheimer est une maladie que je trouve particulièrement cruelle, même, si elle est abordée avec bienveillance ici. Le jeu fournit des informations vraies, parfois dures à entendre ; mais nécessaires pour comprendre la narration silencieuse de celui-ci. Après cette petite précision, repartons sur les informations concernant le jeu en lui-même.
Inner Ashes est développé par le studio espagnol Calathea Game Studio. Ce studio indépendant vise à créer des jeux qui contribuent à la société. L’équipe est convaincue que les jeux vidéo ont un réel impact sur les joueurs. Et, je peux vous garantir que pour moi c’est le cas à 100%.
Je remercie Ico Partners pour la clé de jeu qui m’a permis de réaliser ce test.
Inner Ashes, un jeu pas comme les autres
En tant que joueuse et testeuse de jeux depuis presque 5 ans, j’ai eu l’occasion de voir beaucoup de jeux différents en passant des plus artistiques aux jeux 100% basés sur le gameplay. Inner Ashes est assez atypique et, plus qu’un jeu, il propose avant tout une aventure émotionnelle en mettant le gameplay au service de la cause qu’il présente : la maladie d’Alzheimer.
J’ai lu quelques critiques sur internet de personnes qui avaient jugé Inner Ashes comme un jeu vidéo lambda. En effet, si on passe à côté de la narration silencieuse de celui-ci, travaillée spécifiquement pour plonger le joueur dans la peau d’un malade d’Alzheimer… On passe également à côté du titre.
Le jeu m’ayant particulièrement touchée, je vous propose d’aborder ce test, non pas comme un simple jeu vidéo, mais plus comme une expérience dans la peau d’un malade d’Alzheimer. Ce pourquoi, à mon avis, le jeu est réalisé.
Inner Ashes, des tranches de vie perdue
Nous incarnons Henry, un garde forestier à la retraite qui est atteint de la maladie d’Alzheimer. Au début du jeu, nous lisons une lettre qui vient de notre fille Enid. Il semble que nous n’ayons plus de contact avec elle depuis plusieurs années, mais sans savoir pourquoi… Nous avons oublié.
Cette lettre est le premier pas que notre fille, Enid fait vers nous après plusieurs années. La lettre est assez simple et courte, mais elle fait mention d’un cadeau susceptible de nous aider : il s’agit un livre illustré qui retrace des souvenirs importants qu’Henry a partagés avec elle.
Inner Ashes nous propose une aventure narrative au travers un voyage onirique dans les souvenirs d’Henry. Chaque voyage nous apportera un peu plus d’informations sur notre personnage et sur la relation entre lui et sa fille. Chaque souvenir sera comme bloqué dans notre mémoire et il nous faudra résoudre des puzzles pour le débloquer. Ce qui signifie, de base, que le jeu contiendra beaucoup de textes et peu d’actions concrètes : quelques clics pour résoudre les énigmes tout au plus.
Le livre d’illustration est le point central de notre aventure. Il représente les épisodes passés de la vie d’Henry et d’Enid. Le consulter nous fera voyager dans le monde des souvenirs de notre personnage et de sa fille.
L’autre lieu du jeu est simplement la maison d’Henry. Un lieu familier pour lui, qui, petit à petit, s’est vu remplir de post-it pour palier à la perte de mémoire de notre personnage. Point un peu triste, je l’avoue. Mais revenons-en au livre.
Chaque illustration sera l’occasion d’un plongeon dans la mémoire d’Henry, qui prend alors la forme d’un monde onirique aux couleurs plutôt irréelles. Une fois dans cet autre monde, le gameplay se limitera à déplacer Henry, afin de trouver des indices pour résoudre le puzzle final du niveau.
En parcourant chacun de ses lieux issus de ses souvenirs, ceux-ci remonteront dans sa mémoire sous la forme de dialogue entre lui et Enid, ou entre lui et Joseph. Joseph est un ami très proche de la famille : c’est lui que veille sur Henry en l’absence d’Enid.
Quelques objets seront à récupérer comme des dessins d’Enid enfant, ou des notes sur les symptômes sur la maladie d’Alzheimer ou encore des conseils à suivre lorsque nous sommes proches d’une personne souffrant de cette maladie.
Autant, les dessins constituent des objets lambda nécessaires pour finir le jeu à 100%, autant les notes sur la maladie guident le joueur dans la narration silencieuse de celui-ci. Je m’explique !
Les notes arrivent au fil des niveaux du jeu et également de la maladie d’Alzheimer : les premiers signes, les premiers symptômes, comment aider les malades… Après avoir lu chacune de ces notes, j’ai trouvé un parallèle dans le jeu.
Par exemple, le personnage se déplace lentement et ne peut pas courir… Pour moi, c’est normal, c’est un monsieur d’un certain âge et, qui plus est, désorienté par sa maladie.
Un autre exemple vient de la structure des niveaux. Ils sont conçus pour que le joueur prenne son temps pour découvrir les environnements qu’il traverse, pour qu’il ne voit pas toutes les informations facilement. Pour moi, ces subtilités de gameplay, de level design et de design interviennent pour faire ressentir aux joueurs les difficultés des patients atteints d’Alzheimer à reconnaitre les lieux ou les objets.
Alors, il est vrai que, si on ne fait pas ce parallèle, on peut conclure que le personnage est lent et que certains niveaux sont labyrinthiques ou encore obligent le joueur à revenir en arrière pour récupérer un élément essentiel… C’est frustrant… Mais souffrir d’une maladie qui touche la mémoire doit l’être tout autant.
Personnellement, au début, je l’avoue, je me suis agacée devant la lenteur d’Henry ou en me perdant dans les niveaux. Puis, en repensant aux notes sur la maladie, j’y ai vu une mise en scène qui traduit habilement les difficultés cognitives de notre personnage.
Donc, oui c’est vrai que le gameplay est lent, parfois déstabilisant et qu’il faut parfois revenir en arrière pour arriver à la fin d’un niveau, mais ils font sens pour l’histoire. Ils font partis de cette narration silencieuse qui n’est pas évidente à détecter.
En même temps, je me vois mal jouer un papi à la retraite qui traverse les niveaux à toute vitesse tel un célèbre hérisson bleu ou encore sauter dans tous les sens comme le plombier de Nintendo !
Une réalisation à la baisse sur Switch
La narration silencieuse du jeu est vraiment le point qui m’a le plus touchée. En effet, le scénario principal est relativement prévisible et le gameplay parfois un peu rigide.
Je n’ai rencontré aucun bug et j’ai mis environ 6h pour en faire le tour. Le gameplay est simple et lent. Il y a peu d’action à réaliser, les plus complexe étant la résolution des puzzles tangrams qui marquent la fin de chaque niveau. J’avoue qu’un petit effort, sur la sélection des pièces, aurait été le bienvenu…
Les déplacement lent d’Henry permettent de prendre le temps d’admirer les paysages du jeu. Malheureusement, nous sommes sur Switch et les graphismes ne sont pas aussi exceptionnels qu’ils semblent l’être sur les autres supports ou le sont dans les bandes annonces du jeu.
Les décors utilisent des couleurs irréelles et sont parfois dépaysants. Ils transmettent le sentiment de perte de repères comme, on s’imagine, doit le ressentir un malade d’Alzheimer.
En bref, sur Switch c’est correct graphiquement mais sans plus… De même, la maison d’Henry est triste. Elle parait vide sur Switch. Cette impression est principalement due au manque de texture des meubles et autres éléments de décoration présents dans la maison.
En revanche, chaque niveau terminé permettra de faire apparaitre une page de BD au design agréable qui retrace l’histoire d’Henry et Enid dans l’album : un petit récapitulatif de notre aventure en cas de pause prolongée.
Les énigmes sont simples, c’est plutôt le voyage et les textes qui font sens. J’avoue au début avoir trouvé les premiers chapitres déroutants et m’être agacée sur le fait de me perdre ou de ne pas pouvoir courir. Comme on peut le faire avec une personne qui montre les premiers signes de la maladie… Ce n’est qu’un peu plus tard que j’ai compris le message caché du jeu.
Mon avis sur Inner Ashes
C’est un jeu atypique qui aborde la maladie d’Alzheimer avec bienveillance et une belle mise en scène grâce à une narration silencieuse subtile. Le jeu est court : environ 6h de jeu en prenant son temps et en se perdant un peu dans le niveau du moulin. J’aurai bien aimé avoir quelques actions supplémentaires à réaliser dans la maison, afin de mieux comprendre les difficultés d’Henry. La seule scène qui s’y déroule est celle de la préparation du café, alors qu’il y a bon nombre d’éléments qui auraient pu être utilisés comme le calendrier de l’entrée.
La réalisation artistique est bonne malgré une histoire prévisible. C’est juste dommage d’avoir eu une aussi grosse perte de qualité au niveau du design sur Nintendo Switch.
Vient le moment de ma phrase habituelle : est-ce que je recommande le jeu ? Oui et non. Je pense que les graphismes auraient dû avoir un effet réconfortant par rapport à la thématique du jeu mais sur Switch ce n’est pas le cas. De plus, si le joueur est confronté à la maladie d’Alzheimer dans sa famille, le jeu fera surement remonter des souvenirs parfois douloureux.
Du coup, moi je l’ai apprécié et j’avoue que j’ai appris des choses sur la maladie d’Alzheimer. Le jeu m’a ébranlée même si je ne connais personne souffrant de cette maladie. Donc, oui, je le recommande, mais en prenant en compte la thématique et si vous avez la possibilité de jouer sur une plateforme plus performante que la Switch pour avoir de beaux graphismes, faites-le.
Les plus :
- La narration silencieuse
- Les informations sur la maladie d’Alzheimer
- La mise en scène avec le livre d’illustrations
- Le gameplay qui nous plonge dans la peau du malade
Les moins :
- Les graphismes très moyens sur Switch
- Le scénario assez prévisible
- Malheureusement, le gameplay qui est lent
- Le manque de « quête » dans la maison d’Henry